Bien que certaines idéologies modernes tentent d’abolir la distinction entre les sexes, il suffit d’un peu de bon sens pour constater que l’homme et la femme diffèrent dans une large mesure : physiquement, bien sûr, mais aussi psychologiquement, c’est-à-dire en matière de personnalité, d’intérêts, ou encore de stratégie de reproduction.
L’article que vous êtes en train de lire est ainsi le premier d’une série d’article que je vais rédiger sur les différences entre les sexes. Il sera focalisé sur les différences de personnalité.
La première question qui se pose alors naturellement est : “Comment pouvons-nous mesurer la personnalité et ses traits de façon rigoureuse?”
La bonne nouvelle, c’est que nous disposons d’un outil, qui s’appelle le modèle du Big Five, et que j’ai traité dans un article qui lui est consacré. Pour résumer, il est apparu en psychologie que les différences individuelles en termes de comportements pouvaient s’organiser en cinq grands facteurs : l’agréabilité, l’extraversion, le névrosisme (ou neuroticisme), la conscienciosité et l’ouverture.
Dans cet article, nous allons passer en revue ces facteurs et résumer la façon dont les hommes et les femmes diffèrent en moyenne relativement à ces traits de personnalité, dans différentes cultures. Nous verrons également un résultat contre-intuitif concernant la magnitude des différences selon le type de pays étudié.
Avertissement : Les différences entre les sexes correspondent aux différences entre les scores moyens calculés chez les femmes et les scores moyens calculés chez les hommes. Si nous établissons que les femmes sont plus anxieuses que les hommes en moyenne, cela ne signifie pas qu’il n’existe aucun exemple d’homme plus anxieux qu’une femme, ou même plus anxieux que la majorité des femmes!
Par ailleurs, l’ampleur des différences entre les sexes que nous allons détailler est généralement faible ou moyenne : les différences entre les sexes, bien qu’omniprésentes, semblent relativement fines par rapport à l’éventail des différences individuelles observées au sein de chaque sexe. Cependant, une différence moyenne de faible amplitude peut parfois impliquer de larges écarts entre les proportions d’hommes et de femmes aux niveaux extrêmes de chaque trait psychologique.
Agréabilité
Les femmes obtiennent toujours de meilleurs résultats que les hommes pour ce qui est de l’agréabilité et de ses mesures connexes, à savoir la compassion, la politesse, la confiance, l’altruisme ou encore la modestie (Feingold, 1994; Costa et al., 2001; Schmitt et al., 2008; Weisberg et al., 2011). La taille de l’effet mesuré dans les différentes méta-analyses est généralement faible ou moyen.
Note : La taille d’effet est un concept statistique que nous n’allons pas expliquer en détail ici, mais que nous utilisons car il est commode et s’interprète facilement sans la connaissance préalable de notions statistiques spécifiques. C’est généralement un d de Cohen qui peut être qualifié de faible, moyen, ou grand, selon l’amplitude de l’écart entre les scores féminins ou masculins. Dans notre contexte, le d’ en question correspond à la différence entre le score moyen des hommes et le score moyen des femmes (sur un trait psychologique) divisé par l’écart-type.
Extraversion
Les femmes obtiennent généralement de meilleurs résultats dans le domaine de l’extraversion, mais la différence est faible : cela s’explique par l’existence de différences entre les sexes dans des directions opposées au niveau des différentes facettes de l’extraversion. Les femmes ont tendance à obtenir de meilleurs résultats que les hommes pour ce qui est de la chaleur (warmth, intérêt et amabilité à l’égard des autres), de la sociabilité (gregariousness, préférence pour la compagnie des autres) et des émotions positives, tandis que les hommes obtiennent de meilleurs résultats que les femmes pour ce qui est de l’affirmation de soi et de la recherche d’excitation (Feingold, 1994; Costa et al., 2001; Weisberg, 2011).
Névrosisme
On a constaté que les femmes obtiennent des scores plus hauts que les hommes en névrosisme de manière générale, ainsi que sur la plupart des 6 facettes du névrosisme (Costa et al., 2001). L’effet mesuré est généralement moyen (Weisberg et al., 2011). De plus, les femmes obtiennent également de meilleurs résultats que les hommes pour des mesures connexes d’instabilité émotionnelle, comme les indices d’anxiété (Feingold, 1994) et la faible estime de soi (Kling et al., 1999). La seule facette du névrosisme dans laquelle les femmes n’obtiennent pas toujours de meilleurs résultats que les hommes est la colère ou l’hostilité (Costa et al., 2001).
Conscienciosité
Les femmes obtiennent des résultats un peu plus élevés que les hommes pour certaines facettes de la conscience, comme l’ordre, le sens du devoir et l’autodiscipline (Feingold, 1994 ; Costa et al., 2001). Ces différences, cependant, ne sont pas uniformes d’une culture à l’autre, et aucune différence significative entre les sexes n’a généralement été constatée dans la conscienciosité de manière générale (Costa et al., 2001). Néanmoins, dans l’étude de Weisberg de 2011, une différence significative entre les sexes a été constatée pour l’ordre (l’un des deux aspects de la conscienciosité), où les femmes obtiennent de meilleurs scores que les hommes. L’aspect de l’ordre reflète les traits liés au maintien de l’ordre et de l’organisation, y compris le perfectionnisme.
Ouverture
On ne constate généralement pas de différences très significatives entre les sexes au niveau de l’ouverture au niveau le plus général du domaine, ce qui s’explique par des divergences dans les sous-catégories de l’ouverture. En effet, on a constaté que les femmes obtiennent de meilleurs résultats que les hommes en ce qui concerne les aspects esthétiques et émotionnels (Costa et al., 2001), tandis que les hommes ont tendance à obtenir de meilleurs résultats en ce qui concerne les idées (Feingold, 1994 ; Costa et al., 2001; Weisberg et al., 2011).
Différences inter-culturelles
Ces différences que nous avons mises en lumières se retrouvent dans quasiment toutes les cultures, mais à des degrés différents, et elles sont par ailleurs largement conformes aux stéréotypes de genre (eux-mêmes généralisés entre les cultures) tels que ceux étudiés par Williams et Best en 1982 et 1990 (Costa et al., 2001).
L’autre constat très intéressant que nous pouvons faire, est que contrairement aux prédictions du modèle social, les différences entre les sexes sont plus prononcées dans les cultures européennes et américaines où les rôles sexuels traditionnels sont minimisés, et plus atténuées dans les cultures africaines et asiatiques (Costa et al., 2001; Schmitt et al., 2008).
La différenciation entre les sexes est positivement associée au PIB et à l’espérance de vie des femmes, et négativement associée au taux de fécondité, au taux d’analphabétisme chez les femmes et au taux d’analphabétisme chez les hommes. Les différences entre les sexes dans les traits de personnalité autodéclarés sont plus marquées dans les cultures prospères où les femmes ont plus de possibilités d’éducation (Costa et al., 2001).
Plusieurs indicateurs de l’égalité entre les sexes (y compris l’IPF, l’ISDH, et le ratio du revenu gagné) sont corrélés positivement avec le GSDI (General Sex Difference Index) des traits de personnalité calculé sur la base des résultats aux tests de personnalité (Schmitt et al., 2008). Les explications possibles de cette constatation surprenante sont diverses, et aucune n’est indiscutablement établie. (Nous évoquerons probablement la question dans un autre article.)
Conclusion
- Les femmes ont en moyenne un score plus élevé en névrosisme.
- Les femmes ont en moyenne un score plus élevé en agréabilité.
- Les femmes sont en moyenne plus ouvertes aux émotions et à l’esthétique tandis que les hommes sont plus ouverts aux idées.
- Les femmes ont en moyenne des scores un peu plus élevés en enthousiasme tandis que les hommes ont des scores légèrement plus élevés en assurance (les deux aspects de l’extraversion).
- Les femmes sont en moyenne légèrement plus ordonnées.
- Les différences psychologiques entre les sexes se retrouvent dans l’immense majorité des cultures, de façon plus ou moins marquée.
- La différenciation entre les sexes est plus marquée dans les pays développés, plus égalitaires, et moins marquée dans les pays en voie de développement, plus traditionnels.
Sources :
Costa, P. T., Terracciano, A., & McCrae, R. R. (2001). Gender differences in personality traits across cultures: Robust and surprising findings. Journal of Personality and Social Psychology, 81(2), 322–331. doi:10.1037/0022-3514.81.2.322
Feingold, A. (1994). Gender differences in personality: A meta-analysis. Psychological Bulletin, 116(3), 429–456. doi:10.1037/0033-2909.116.3.429
Kling, K. C., Hyde, J. S., Showers, C. J., and Buswell, B. N. (1999). Gender differences in self-esteem: a meta-analysis. Psychol. Bull. 125, 470–500
Schmitt, D. P., Realo, A., Voracek, M., & Allik, J. (2008). Why can’t a man be more like a woman? Sex differences in Big Five personality traits across 55 cultures. Journal of Personality and Social Psychology, 94(1), 168–182. doi:10.1037/0022-3514.94.1.168
Weisberg, Y. J., DeYoung, C. G., & Hirsh, J. B. (2011). Gender Differences in Personality across the Ten Aspects of the Big Five. Frontiers in Psychology, 2. doi:10.3389/fpsyg.2011.00178
Williams, J. E., & Best, D. E. (1982). Measuring sex stereotypes: A thirty nation study. Newbury Park, CA: Sage.
Williams, J. E., & Best, D. L. (1990). Sex and psyche: Gender and self viewed cross-culturally. Newbury Park: Sage.
Laisser un commentaire