Les différences raciales de QI (donc, d’intelligence) sont-elles génétiques ?
C’est une question qui fait débat depuis plusieurs décennies, mais il s’agit de préciser l’objet du débat pour bien comprendre le sujet. Commençons par rappeler que “l’origine génétique” de l’intelligence est totalement avérée et incontestée dans le monde universitaire de la psychométrie, contrairement à ce qu’en pense un partie de l’opinion publique. Pour être plus précis, l’héritabilité du QI à l’âge adulte est estimée à environ 80%, ce qui signifie que 80% des différences individuelles d’intelligence dans la population proviennent de différences génétiques.
En réalité, ce qui fait débat ne concerne pas la part génétique dans les différences individuelles mais dans les différences à l’échelle des groupes humains, c’est-à-dire les différences raciales. Ajoutons également qu’il n’y a pas de débat sur l’existence de différences entre les intelligences moyennes associées à chaque race : la position officielle de l’American Psychological Association est qu’il y a un écart de QI de 15 points entre les blancs et les Noirs aux Etats-Unis, voir pour cela Neisser et al. (1996).
La question qui se pose est : ces différences raciales de QI sont-elles d’origine génétiques ou environnementales ?
En réalité, pour tout trait psychologique, cette alternative n’a pas vraiment de sens dans la mesure où la réponse n’est pas binaire. Pour autant, 2 camps s’affrontent depuis des décennies sur ce sujet : les “héréditaristes” qui pensent que la génétique a au moins une influence, qu’elle soit modérée ou large, et les “environnementalistes” qui adoptent une position bien plus idéologique selon laquelle 100% des différences raciales de QI sont à 100% d’origine environnementale. Ce débat est notamment apparu récemment en France après la médiatisation de la célèbre carte du QI de Richard Lynn.
Dans cet article, nous allons montrer que la grande majorité des spécialistes du QI pensent désormais que la génétique a une influence non nulle sur les différences raciales de QI. Par conséquent, le camp des environnementalistes purs, qui est pourtant très puissant médiatiquement (mais souvent représenté par des idéologues sans vraie compétence scientifique), est en réalité largement minoritaire en nombre.
Le sondage le plus récent abordant les différences raciales de QI : Rindermann et al. (2020)
L’enquête la plus récente auprès des chercheurs en intelligence provient de Rindermann, Becker et Coyle (2020) qui ont envoyé un courriel à 1237 chercheurs qui avaient soit publié des travaux liés à l’intelligence dans une revue universitaire, soit qui étaient membres d’une organisation liée à l’étude des différences individuelles en matière d’intelligence. Rindermann et al. ont demandé aux participants quelle partie de l’écart de QI entre les Noirs et les Blancs était, selon eux, due aux gènes. Sur les 1237 personnes qui ont reçu un courriel, 265, soit 20 %, ont répondu.
Voici les résultats à cette question :
En moyenne, ils pensaient que 49% de l’écart de QI entre les Noirs et les Blancs était dû à des gènes. Seuls 16 % de ces experts pensaient que écart de QI entre les Noirs et les Blancs n’était en aucun cas dû à des gènes, et seulement 6 % pensaient que l’écart était entièrement dû à des gènes. Résumons donc en 2 points :
- 84% des experts interrogés pensent que les gènes ont une influence partielle sur les différences raciales de QI. Seuls 16% défendent donc la position environnementaliste.
- 60% des experts interrogés pensent que l’écart de QI est dû au minimum à 50% à des facteurs génétiques.
Le taux de réponse de l’enquête de Rindermann et al., soit 20 %, est quelque peu faible. Il se peut que les personnes qui n’ont pas répondu à l’enquête auraient répondu de la même manière que celles qui l’ont fait. Mais il est également possible qu’il y ait eu une différence systématique entre ceux qui ont choisi de répondre et ceux qui ont choisi de ne pas le faire.
Si une différence existe, nous pensons qu’elle fausse probablement les résultats en faveur de l’environnementalisme. Ce n’est qu’une spéculation, mais la raison la plus évidente justifiant le refus de répondre à cette question est la nature politiquement incorrecte de l’affirmation selon laquelle les gènes sont impliqués dans l’écart de QI entre les blancs et les noirs.
Cela étant dit, le plus probable est que ces résultats soient raisonnablement impartiaux puisque les noms des chercheurs n’ont pas été publiés avec leurs réponses.
Notons également que la question du positionnement politique et idéologique de ces chercheurs leur a été posée dans le sondage. Le résultat est que plus de la moitié des répondants (54%) se considéraient comme de gauche (liberal en anglais) alors que seuls 24% se considéraient de droite. Ajoutons enfin, puisqu’il s’agit du sondage le plus récent, donc le plus important sur la question, qu’il a été dans Intelligence, une importante revue scientifique à comité de lecture. 81% des experts interrogés dans cette enquête sont des professeurs de psychologie, la plupart titulaires. La majorité d’entre eux ont publié dans les domaines de l’intelligence et des tests cognitifs.
Snyderman et Roth (1987)
Avant Rindermann, la dernière enquête auprès des experts de l’intelligence était celle de Snyderman et Roth (1987) qui ont envoyé un courrier à 1 020 psychologues, sociologues et généticiens du comportement universitaires, leur demandant, entre autres, si l’écart de QI entre les Noirs et les Blancs était dû à l’environnement, à la génétique ou aux deux.
Parmi les personnes ayant reçu un courrier, 661 ont répondu à l’enquête, soit un taux de réponse de 65%. Au total, 45% des personnes interrogées ont déclaré que l’écart de QI entre les Noirs et les Blancs était dû aux gènes et à l’environnement, 24% ont déclaré qu’il n’y avait pas assez de données à dire, 17% n’ont pas répondu, 15% ont déclaré qu’il était uniquement dû à l’environnement et 1% ont déclaré qu’il était entièrement dû aux gènes.
La principale faiblesse de Snyderman et Roth est l’imprécision de leur question. Idéalement, ils auraient dû demander aux participants de nommer la proportion exacte de l’écart de QI entre les Noirs et les Blancs qu’ils pensaient être dû aux gènes. Cependant, ils ont obtenu un taux de réponse beaucoup plus élevé que celui de Rindermann et al. Prises ensemble, ces enquêtes fournissent des preuves assez solides que la plupart des experts rejettent l’idée que l’environnement explique tout l’écart de QI entre les noirs et les blancs.
Les différences raciales de QI lors de l’ère Jensen : Friedrichs (1973)
Avant Snyderman et Roth, la dernière enquête dont nous avons connaissance est celle de Friedrichs (1973) qui, en 1970, a interrogé 526 membres de l’American Psychological Association, leur demandant de marquer leur accord avec la déclaration suivante du chercheur en QI Arthur Jensen :
Il n’est pas déraisonnable de supposer que des facteurs génétiques sont fortement impliqués dans la différence d’intelligence moyenne entre les Noirs et les Blancs. La prépondérance des preuves est, à mon avis, moins conforme à une hypothèse strictement environnementale qu’à une hypothèse génétique.
Arthur Jensen
Le taux de réponse à l’enquête a été de 65% et la plupart des personnes interrogées ont rejeté une explication génétique.
Cependant, la question posée par Friedrichs était très chargée idéologiquement car elle associait le point de vue à un personnage controversé au plus fort de sa notoriété, et la citation n’était pas formulée de manière particulièrement anodine.
Sherwood et Nataupsky (1968)
Les premières recherches pertinentes que nous connaissons proviennent de Sherwood et Nataupsky (1968) qui ont fait évaluer par deux personnes indépendantes les conclusions de 82 chercheurs ayant publié des travaux sur les différences raciales d’intelligence (QI). Ces chercheurs ont également rempli une enquête qui a ensuite été utilisée pour voir quelles variables démographiques prédisaient qu’un chercheur était plus ou moins susceptible de soutenir des conclusions héréditaires. La fréquence de chaque résultat est présentée ci-dessous.
Cette recherche a révélé que les chercheurs plus âgés étaient plus susceptibles de publier des recherches environnementalistes, ce qui confirme l’idée que l’environnementalisme était plus populaire dans le passé.
Conclusion
À partir des données de notre enquête, il semble raisonnable de conclure ce qui suit : la plupart des chercheurs pensent que les gènes et l’environnement sont impliqués dans l’écart de QI entre les Noirs et les Blancs, cette opinion est clairement plus répandue que l’environnementalisme. Enfin, certains éléments suggèrent que l’environnementalisme a peut-être été plus populaire avant les années 1980.
Ce dernier point est largement plausible, car on considère en général que le débat moderne sur la race et le QI a commencé avec un article d’Arthur Jensen publié en 1969. Les années 1970 et 1980 ont vu une quantité énorme de recherches dans ce domaine, qui ont certainement pu convaincre davantage de chercheurs d’une explication partiellement génétique.
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